• Histoire d'Arès - Partie 2

    Genre : Histoire

    Partie : 2

    Personnage : Arès

    Contexte : Départ d'Arès

       
     C'est étrange comme une fraction de seconde peut changer toute une vie. Je n'avais jamais pensé que la vie pouvait basculer à ce point. Mais désormais, je me suis rendu compte. Je sais. La vie ne tient qu'à un fil. Toute notre existence est en permanence en équilibre, et la moindre brise peut la faire vaciller. C'est étonnant de penser que des loups comme nous, fiers et puissants, peuvent être réduit à néant en une fraction de seconde. Pourtant, c'est véridique. Je le sais, car je l'ai vécu. Un seul instant, une petite minute, a détruit ma vie, et m'a terrassé.

    Je n'ai aucun souvenir du retour. Je ne sais pas quels chemins nous avons emprunté, ni qui était là. Car moi-même, j'étais absent. Je n'étais plus là. Tout cela me paraissait tellement inimaginable. Impossible. Je refusais d'y croire. Je ne pouvais pas y croire. Ma vie n'avait pas pu être réduite en cendre en quelques secondes. Mon existence n'avait pas pu éclater en mille morceaux en si peu de temps. Je ne tarderai pas à me réveiller, et à voir que tout cela n'était qu'un cauchemar. Un affreux cauchemar. Mais je ne me suis jamais réveillé. Et aujourd'hui encore, je ère dans un monde brumeux, à la frontière entre la réalité et les songes. Peut-être ne me réveillerai-je jamais.

    Sedjem a veillé sur Moi. Toutes les louves de la Meute ont pris soin de Moi. Jamais je ne me suis retrouvé seul. Il y avait toujours une fourrure chaude contre Moi. Mais jamais celle que je souhaitais, celle que je réclamais. Celle dont je hurlais le nom quand je dormais. Mes nuits étaient hantées par des cauchemars où je revoyais sans cesse mes parents s'écrouler, des larmes de sang, des masses inertes. Je ne saurai dire combien de temps tout cela à duré. Je ne faisais plus de distinction entre la nuit et le jour. Je ne mangeai que lorsqu'on me l'ordonnai. J'étais mort. Je ne voulais pas continuer à vivre sans cette famille qui m'avait tout donné. Il ne restait qu'Ushka. Mais l'idée que ma sœur ait pu être aussi chagrinée que Moi ne m'a jamais effleuré l'esprit. J'avais déjà tant de chagrin, tant de colère, qu'il m'était insupportable de songer à porter un autre fardeau que le mien.

    Je n'ai jamais su comment je me sortirai de cet enfer. Les jours passaient, et rien ne changeait. Rien ne s'améliorait. Comme si tout était resté figé maintenant que mes parents et mon frère n'étaient plus. On me consolait sans cesse, les autres louveteaux tentaient de m'inclure dans leurs jeux, mais je restait impassible. J'en devenais presque hargneux, lorsqu'on me stimulait de trop. Je ne voulais pas. J'étais brisé de toute part, et le moindre mouvement m'était affreusement douloureux. Ma blessure ne cicatrisait pas, et j'avais même l'impression que le trou béant qui anéantissait tout mon être ne faisait que grandir. Je ne voyais aucune issue à mon existence. Je n'attendais rien du lendemain. Je n'attendais plus rien. Si ce n'est la possibilité de rejoindre mes parents. Chose impossible.

    Et puis, j'ai changé. Je me suis renfermé. Je suis devenu plus froid, plus distant. Mes anciens compagnons de jeux ne me reconnaissaient plus. Je rejetait le moindre loup qui tentait d'être sympathique avec moi. Je ne voulais pas de pitié, de gentillesse de compassion. Personne ne pouvait comprendre. Personne ne comprendrait jamais. Je devins méfiant et hargneux, agressant la moindre personne qui s'approchait de Moi. Même Ushka. Ushka la douce, qui prenait sur elle et tentait de m'aider à porter mon fardeau en plus du sien. Ushka la belle, qui ne cessa jamais de veiller sur Moi. Ushka la forte, qui ne laissait rien paraître de sa douleur et de son chagrin.

    Mais Moi, je n'étais ni doux ni fort. J'étais glacial et renfermé. Je ne me reconnaissais plus. Je ne supportait plus de vivre dans cette Meute qui avait pourtant était mon seul univers depuis ma naissance. Un univers que j'avais souhaité ne jamais quitter. Mais le temps avance, et rien ne reste impassible. La seule chose qui ne change pas, c'est le temps lui-même. Le reste finit toujours pas changer. Irrévocablement. Et aucun retour en arrière n'est jamais possible. C'est là toute la difficulté de la vie. Nos choix conditionnent notre existence, et pourtant, nous n'avons jamais la possibilité de prévoir ne serait-ce qu'une infime partie de ce qu'il adviendra. Nous avançons à l'aveuglette, sans rien voir. Nous jouons à pile ou face avec nos existences. Nous ne sommes que des pions dans l'Histoire de la Vie.

    Mais un jour, il a fallut partir. Je ne pouvais pas rester. Je ne voulais pas. Je détestais ma vie, je détestais ce que j'étais devenu, je me détestais moi-même. J'étais incapable de me regarder dans une flaque d'eau, mon reflet me dégoûtait. Mais je n'avais pas trouvé d'issue à tout ce que je haïssait. Pas d'autre issue que celle de partir. Tout quitter, laisser les seules choses que j'avais jamais connues. Mais tout valait mieux que de rester. Tout, même la mort. Je n'ai prévenu personne. De toute manière, cela faisait déjà bien longtemps que je n'adressais plus la parole à personne, et que je vivais comme un solitaire, à l'écart de la Meute. Mais personne ne m'en avait jamais tenu rigueur.

    Alors un matin, alors même que le soleil n'était pas encore levé, je suis parti. J'ai quitté le Camps, la Meute, toute mon existence. Je ne savais pas où j'allais, mais je savais ce que je quittai. La seule chose qui m'avait retenu ici avait disparut depuis longtemps. Je me suis engagé sur des Territoires bien connus, et j'ai marché. Pendant longtemps. Sans jamais regarder en arrière. Le soleil était à peine levé, mais j'étais déjà loin. Et bientôt, j'arrivai à la limite de nos Terres. Plus loin que je n'avais encore jamais été. Je n'avais fait que voir ces immensité que me m'apprêtai à fouler. Elles auraient pu être effrayantes, mais je n'étais qu'un fantôme, et je ne redoutai plus rien. J'étais indifférent à tout ce qui m'entourait. Et quand bien même j'aurai pu être effrayé, la seule chose que je risquai était la mort. Et la mort était une délivrance que j'attendais avec impatience.

    Il n'y avait qu'une limite à franchir. Et elle était de taille. Un fleuve. Immense. Sombre. Terrifiant. Mais je ne reculai pas. Je n'hésitai même pas. Je m'engageai dans l'eau, sans même réfléchir. L'eau était gelé, et le courant fort, mais j'étais déterminé. Plus que jamais. Et, tant bien que mal, épuisé et trempé, j'arrivai sur l'autre berge. Et ce fut à ce moment là que j'entendis les foulées rapides et le souffle haletant. Sedjem. Ushka. Les autres. Ils m'avaient retrouvés, et suivi. J'étais immobile, et leur tournai le dos, mais je ne les regardai pas. Je n'avais pas besoin de me retourner pour savoir qui parlait :

    « Arès, je t'en prie, ne pars pas. Ne me laisse pas. J'ai besoin de Toi. »

    Les gouttes glissaient sur mon pelage trempé, et venaient s'écraser au sol. Ma fourrure était plaqué sur mon dos. Je n'avais pas fière allure. Mais pourtant, je n'en avais que faire. Dans un mouvement imperceptible, ma mâchoire se serra, et je me mis à trembler, mais je ne me retournai pas. Là bas, il n'y avait plus rien pour Moi. Rien que de la douleur et de la colère. Si je voulais espérer oublier, alors je devais m'en aller.

    « S'il te plaît...Reviens...»

    La voix était brisée. Nul doute que j'étais en train d'alourdir le fardeau de ma soeur. Mais j'étais devenu égoïste et indifférent à ce qui m'entourait. Ushka, comme Sedjem et la Meute, faisait parti du passé. Ma décision était prise, et je ne reviendrai pas. Jamais. Je devais m'en aller. Quitter un passé bien trop difficile et douloureux à supporter. Alors, la gorge serré, je fis un pas en avant. Puis un autre. Et je repris mon chemin. Sans me retourner. Je ne voulais pas regarder en arrière. Je ne voulais pas voir les larmes d'Ushka et la douleur que ses yeux porteraient. Je ne voulais pas voir le regard compréhensif de Sedjem. J'étais incapable d'assumer les conséquences de mes actes.

    Alors je m'élançai de plus belle. Je me mis à courir. Mes muscles, sollicités pour la première fois depuis bien longtemps, me firent prendre de la vitesse. Et je m'éloignai peu à peu de mes Terres Natales. Il y eut alors un long hurlement. Hurlement chargé de douleur et de chagrin, un hurlement si puissant qu'il aurait brisé n'importe qui. Mais pas Moi. Les seules larmes que je pleurai furent emporté par le vent. Un jour, peut-être, je reviendrai. Mais aujourd'hui, j'étais incapable de rester.
       

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