• [EVENT] La Loi du Désert

    Genre : RP

    Nom : [EVENT] La loi du Désert

    Personnage : Hatari

    Contexte : La Guerre est déclaré face aux Mositus.

    Il était encore tôt quand les Jangowas s'éveillèrent ce matin-là. Et pour cause, la journée promettait d'être longue et éreintante. Certains ne reverraient sans doute pas la nuit. C'était ainsi. Hatari suivit le mouvement, à la suite d'autres lions. Bien sur, tous savaient ce qui allait advenir, mais personnes n'en parlait. Akili avait été clair sur cela, la veille. Et personne n'osait remettre en cause sa décision. De plus, beaucoup était d'accord avec lui ; les Mositus devaient disparaître.

    Après s'être étiré, Hatari ébroua son pelage et sa crinière, faisant tomber la poussière et le sable qui s'y étaient accumulé durant la nuit, puis observa les alentours. Partout, des lions et des lionnes se mettaient en mouvement, certain terminant de manger une petite proie, d'autre se réveillant seulement. Chacun vaquait à ses occupations, mais personne ne restait inactif. Seuls les lionceaux attendaient plus ou moins sagement. Eux resteraient ici, avec quelques lionnes. Ils étaient trop jeunes pour se battre.

    Le jeune mâle avisa Niwata, qui observait tout cela les yeux brillants. Il ne la connaissait que trop bien, et espérait qu'elle respecterait les consignes. De toute manière, il ne devait pas se préoccuper d'elle. Cela le détournerait de son but. Or, aujourd'hui était un moyen de prouver qu'il valait tout autant que n'importe lequel des mâles ici présents, voir même plus que certains. Kifua aussi participait. Au fond, Hatari ne savait guère s'il préférait que son Oncle meurt au combat, ou survive. S'il le vieux lion mourrait, il serait libre, mais ne pourrait cependant se venger. Le jeune jangowa songea alors qu'il préférait subir encore le joug de son oncle jusqu'à pouvoir se venger et être le seul maître de ses actes, plutôt que de laisser le destin lui voler sa vengeance.

    Il fut bientôt temps de se mettre en route. Quand Akili s'élança en direction de l'Oasis, tous suivirent. Seuls restèrent quelques lionnes et les lionceaux, qui regardèrent leurs aînés partir avec envie. Bien sur, pour eux, la guerre n'était pas ce qu'elle était vraiment. C'était plus une sorte de jeu permettant de s'assurer gloire et pouvoir. La réalité était bien plus sombre. Il s'agissait parfois de toute une vie à défendre, pour simplement survivre, sans se soucier de gloire et d'honneur. Néanmoins, pour les Jangowas aujourd'hui, il ne s'agissait pas de survie. Ce n'était pas eux qui devaient défendre leur Territoire. Non, un échec ne leur apporterait qu'un sentiment de honte. Alors que pour les Mositus, c'était bien différent. S'ils perdaient, il s'agissait de perdre leur territoire. Autant dire que, en cas d'échec, il ne leur resterait rien.

    C'était d'autant plus motivant, aux yeux d'Hatari. Savoir qu'il n'avait rien à perdre, mais tout à gagner, faisait bouillonner son sang. Il était impatient d'en découdre. Il s'était déjà battu par le passé, mais n'avait jamais réellement fait la guerre. Bien sur, les Jangowas étaient réputés pour leur violence et leur capacité au combat, aussi n'était-il pas trop inquiet, mais il ne connaissait rien des Mositus. Évidement, c'était plus facile de tuer sans connaître. Le jeune mâle ne craignait pas d'être confronté à un adversaire plus doué que lui. Il se savait bon guerrier. Il s'était entraîné depuis tout petit, et il s'entraînait encore. Il excellait à la chasse. Il était fait pour ça.

    Les Jangowas, massés en une grand groupe, suivirent Akili jusqu'à l'Oasis. Là, Hatari pu enfin apercevoir leurs rivaux. Tous alignés, ils attendaient, prêt à en découdre. Les Jangowas se mirent donc aussi en position, et Hatari prit sa place dans le Clan. Il se plaça auprès d'un grand mâle au pelage clair et à la crinière d'un brun terne. Il était doté d'une puissante musculature, et il semblait émaner de lui une assurance terrifiante. Mais, en regardant autour de lui, Hatari vit que, même si tous n'étaient pas aussi musclé et trapu, beaucoup de jangowas étaient puissants. Alors, il pu enfin poser le regard loin devant, ne sachant trop quel Mositu serait son premier adversaire. Il n'avait qu'un hâte ; s'élancer.

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    Si les Jangowas étaient parfaitement alignés et prêt à en découdre, aucun bruit ne courait lorsqu'Akili, Empereur des Jangowas et Seigneur du Désert, pris la parole d'une voix puissante :

    « Seigneurs du Désert ! L'heure est venue pour les coupables de payer pour se qu'ils ont fait ! Les Mositus souillent nos eaux et nous volent nos femelles, ils bafouent nos traditions et défient notre autorité. Laisserez-vous ses ingrats se rire de nous ? Il est temps pour les fils du désert de reprendre ce qui leur appartient ! Montrons à ces chacals que nous n'oublions rien et que nous ne pardonnons pas ! »

    Hatari n'était pas né dans le Désert, mais les problèmes avec les Mositus étaient récurrents, en particulier depuis quelques temps. S'il n'avait pas imaginé que tout cela arriverait aussi vite, le jeune mâle s'était pourtant douté que, tôt ou tard, une guerre éclaterait. Au fond, il ne savait pas vraiment s'il la craignait ou non. Depuis quelques temps, il était en perpétuelle réflexion. Sa discussion avec Niwata l'avait retourné, comme si tout s'était accéléré. Et désormais, il n'était plus sur de rester dans le Désert. Pourtant, ayant passée - désormais - la majeure partie de sa vie dans le désert, lorsque la guerre avait éclaté, il n'avait pu se résoudre à les laisser tomber. Car dans une rivalité comme celle-ci, chaque guerrier était important. Une supériorité numérique pouvait faire la différence, pour un peu qu'on s'y prenne bien.

    « Exterminez-les. Ne laissez aucun survivant. »

    Enfin, Akili ouvrait le bal. Si un instant plus tôt, Hatari était pensif, le vide se fit dans son esprit, pour ne garder en tête qu'un seul objectif : se battre jusqu'à ce que tout s'arrête. Quelque soit la fin. Une victoire, ou la mort. Car il savait pertinemment qu'Akili ne déclarerai jamais qu'ils se rendaient. Ils étaient bien trop fiers pour ça. Ou bien trop fous, peut-être.

    Les yeux du jeune mâle s’éclaircirent d'une nouvelle lueur de farouche détermination. Il se redressa, se rendant plus imposant, la tête haute. Et, inspirant une grande bouffée d'air, il dévoila ses crocs immaculés, et poussa un rugissement puissant qui se mêla à ceux des autres Jangowas. Puis il s'élança, déterminé à ne pas se laisser abattre. Oui, il n'était pas Jangowas de nature, mais c'était la vie de sa seconde famille qui se jouait ici. La vie et l'avenir de Niwata, aussi. Et il ne voulait pas lui laisser un futur plein de chagrin et de désolation. Ses muscles puissants s'échauffèrent peu à peu, se déliant sans peine. Il ne les sollicitait pas encore au maximum, mais cela ne saurait tarder, car Aujourd’hui se jouait Demain.

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    Alors qu'Hatari bondissait à pleine puissance vers un jeune mositus au pelage gris, un haussement de voix dans son dos attira son attention. Les paroles qu'ils venaient de saisir résonnèrent à ses oreilles, si détonantes dans ce chaos qu'elles le firent ralentir brusquement. De son regard brun, il posa les yeux sur l'auteur de ces paroles, le seul jangowa qui était resté en arrière. Valaka. Elle refusait de se battre. Sans vraiment connaître Akili, le jeune mâle n'avait pas besoin de réfléchir longtemps pour savoir que, par ce geste honorable, la lionne mettait en péril toute sa vie, ainsi que celle de sa famille. Mais cela ne le regardait pas. Lui n'avait rien à perdre. Pas de famille. Pas d'amis. Il n'y avait que lui. Lui, et lui seul. Et comment pouvait-il se manquer à lui-même ? C'était tout bonnement impossible. Il n'avait absolument rien à perdre.

    Alors il s'élança de nouveau, ayant perdu son adversaire de vu. Cependant, les mositus ne manquaient pas, et un nouvel attaquant lui fit bientôt face. C'était un mâle de taille moyenne, au pelage terne. Rien qui lui soit familier. D'un puissant mouvement de jarret, il bondit sur son rival, le faisant rouler au sol. Se relevant rapidement, il se remis en position, prêt à contre-attaquer. Dans l'attente d'une attaque, son regard dériva, et il ne pu s'empêcher de jeter un coup d'oeil à Valaka. Et ce qu'il vit lui serra le coeur. Un grand mâle au pelage sable - Chenko, le général d'Akili - marchait d'un pas lourd de sens vers la lionne. Cette dernière semblait toute frêle par rapport au mastodonte qui marchait vers elle. Et lorsqu'il vit les deux Jangowas se jeter l'un contre l'autre, il réalisa que ce n'était pas là ce qui devait se passer.

    Son inattention lui valu un puissant coup de tête de son rival, qui le projeta vers l'arrière. Les crocs dévoilés, le Mositu lui faisait face, prêt à se jeter à nouveau sur lui. Et ce fut à cet instant qu'Hatari réalisa que non, il n'allait pas terminer ce combat. Sa place n'était pas là où il avait pensé qu'elle était. Un instant, tout vacilla. A quel point avait-il changé pour en arriver là ? A se battre sans raison valable. A tuer des inconnu qui ne lui avaient rien fait, simplement parce qu'on le lui ordonnait. Kifua l'avait-il changé à ce point ? Il se revit, petit, courant après Usiku. A cette époque-là, il s'était toujours promis d'être un Pridelander honorable et courageux ! Et voila qu'il se retrouvait solitaire pris au milieu d'une guerre qui n'était pas la sienne !

    Au dernier moment, alors que la gueule béante du Mositu se rapprochait dangereusement de son cou, il projeta sa patte vers le mâle, déviant la trajectoire de sa tête massive. Et, pendant que son adversaire reprenait ses esprits, il détala. Bondissant entre les corps massés les uns contre les autres, au milieu des rugissement, il évita tant bien que mal tous les mositus et les jangowas qui lui barraient la route. Il n'avait réfléchi qu'une fraction de seconde, mais cette seconde avait tout révélé. Et désormais, tout était clair. Il avait une chance de changer son avenir, il devait la saisir. Et si Chenko mettait fin à sa vie, alors il aurait au moins sauvé la vie de Valaka. Et c'était bien suffisant.

    Alors qu'il atteignait enfin l'arrière des combats, il vit Valaka et Chenko se faire face. La lionne avait la tête haute. Elle aurait pu fuir, mais elle ne l'avait pas fait. Fière et noble, elle restait jusqu'au bout. Elle avait pourtant tant de choses à protéger. Et quand Hatari vit Chenko s'élancer à pleine vitesse, il poussa un rugissement puissant, et accéléra encore. Alors que le massif général allait atteindre Valaka, le jeune mâle bondit, et percuta le mâle de plein fouet, l'envoyant rouler sur le côté, tout comme lui. Un peu sonné par le coup, Hatari mis quelques instants à se relever, l'esprit embrouillé. Pourtant, il eut tout de même le réflexe de se relever, faisant face à Chenko. D'un battement de paupière, il chassa la brume qui l'entourait, juste à temps pour voir le grand corps au pelage sable foncer vers lui. Il asséna un coup de patte à son adversaire, mais fut tout de même projeté sur le côté.

    Se relevant une nouvelle fois, Hatari posa son regard dans celui Valaka durant un instant. Il ne la connaissait qu'à peine, mais de tous les Jangowas, c'était sans doute celle qui s'était montré la plus sympathique avec lui. Sans le juger. Sans le questionner. Et pour cela, il ne pouvait pas la laisser affronter seul la colère d'Akili. Dans un murmure silencieux, une lueur de regret dans les yeux, il lui souffla un mot. Un simple mot.

    « Pars. »

    S'il avait pu, le jeune jangowa l'aurait forcé. Il aurait crié jusqu'à s’époumoner. Mais déjà, Chenko revenait à la charge, le mettant à terre encore une fois. Le regard d'Hatari quitta celui de Valaka lorsqu'il fut une nouvelle fois projeté au sol. Mais cette fois-ci, il était bien décidé à se défendre. Rugissant de plus belle, les mâchoires et les épaules éraflées, il bondit à sont tour sur le mastodonte, et planta violemment ses crocs dans le dos de son adversaire, faisant couler le sang. Il n'abandonnerait pas. Ses muscles criaient déjà, protestant contre toutes ses chutes. Sa crinière en bataille, il fit tout de même face à Chenko, déterminé, le regard farouche.

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    Lorsque Chenko posa son regard brûlant de haine sur Hatari, le jeune mâle frissonna. A quoi s'était-il donc attaqué ? La puissante voix du grand mâle résonna au milieu des rugissements :

    — Tu vas payer pour ça, Hatari !

    D'un bond, il fut sur lui, et Hatari n'eut d'autre choix que de l'affronter de face, le heurtant de plein fouet. Tout son corps protesta face à ce violent traitement. Une chose était sur, s'il voulait s'en sortir, combattre en face à face ne serait pas avantageux pour lui, loin de là ! Le général était un lion trapu et musclé, un vrai mastodonte pour un Jangowa. Or, lui, jeune adulte, n'était pas très large, bien que musclé. Son avantage reposait dans l'esquive. A lui de jouer avec la rapidité et la souplesse. Soi tant est qu'on puisse jouer de sa propre vie.

    D'un coup de rein maîtrisé, il s’esquiva sur le côté, s'éloignant ainsi de son rival. Lui tournant autour d'un pas rapide, la tête basse et parallèle au sol, il fixa son adversaire d'un regard haineux. A lui de montrer qu'il n'était pas le lion insignifiant que Chenko croyait voir. A lui de montrer qu'il était un grand lion. Fier et brave, comme son père. Il avait cru que sa vie était ruinée par son passé, mais l'issu de ce combat lui offrait la fin d'une silencieuse souffrance, ou le reste de toute une vie. D'une voix hargneuse, pleine de froideur, il déclara :

    « - Je préfère payer pour mon choix plutôt que de survivre en ayant combattu pour quelque chose que je n'estimai pas fondé. J'ai des valeurs, et je ne suis pas un pantin qu'on peut manipuler à sa guise, Chenko. Je ne suis pas comme Toi

    Si Hatari savait que ses paroles ne ferait qu'empirer les choses, il ne les regrettait cependant pas. Il en avait assez de vivre sous le joug d'un Oncle qui ne vivait que pour le brutaliser. Assez de vivre entraver, d'être dépossédé de ce qui lui revenait de droit ; sa liberté de choisir. Tout. Alors, dans un rugissement furieux, il s'élança une nouvelle fois sur le lion trapu, et lui mordit les flancs, plongeant une fois encore ses crocs dans la peau de son adversaire, ouvrant une nouvelle brèche sanguinolente. Le réplique de son adversaire ne se fit pas attendre, et un violent coup de patte vînt heurter la face du jeune mâle, entaillant sa joue et faisant couler un filet de sang.

    Les deux mâles se jetèrent l'un sur l'autre sans attendre. Chenko voulait en finir aussi vite que possible, et Hatari ne pensait plus à rien d'autre qu'à son adversaire. C'était comme si, désormais, rien d'autre ne comptait. Il n'y avait plus Valaka, plus Niwata. Plus de mositus non plus. Il n'y avait que Chenko, et lui. Alors, tandis que tous deux s'affrontaient dans un combat de titans, il oublia. Tout. Sans remords. Les coups de griffes laissant des sillons, les morsures marquant un peu plus chaque combattant, le temps s’égraina lentement. C'était à qui tiendrait le plus longtemps. Ou à celui qui porterait le coup fatal en premier

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    Alors qu'Hatari s'apprêtait à bondir de nouveau, Valaka s'interposa et mordit Chenko, tout en lui crachant quelques belles paroles. Elle n'était pas partie, comme le jeune mâle l'aurait souhaité. Mais au fond, il comprenait. Serait-il parti si on le lui avait dit, dans les mêmes circonstances ? Non, certainement pas. Pourtant, lui n'avait ni compagne, ni lionceau. Pas de famille. Rien. Rien que Niwata, cette petite lionne qu'il avait pris sous son aile. Valaka, elle, avait un fils et un compagnon. Elle était aimée. Et soudain, sans qu'il ait eu le temps de réagir, un violent coup de patte du Général l'envoya valser à quelques mètres, meurtrissant au passage sa chair. Assommé, la joue sanglante, le jeune jangowa ne put qu'encaisser les paroles de Chenko :

    ─ Pas fondé ? Les Mositus ont empoisonnés notre eau, ils ont mis notre clan dans son intégralité en danger ! L’un d’eux a même eut le culot de souiller l’impératrice ! Que te faut-il de plus, Hatari ? Nous t’avons accueillis au sein de notre clan alors que tu n’étais qu’un demi Jangowas … nous n’aurions jamais du t’accepter, bâtard !

    Bâtard. Demi-Jangowa. C'était ce qu'il était à leurs yeux. Après tant d'années passées à leurs côtés, à chasser et à participer autant que d'autres à la vie du Clan. Bâtard. Sang-mêlé. Les mots raisonnaient encore et encore dans la tête d'Hatari. Un instant durant, il eut envie de tout abandonner. De toute laisser tomber. De ne pas se relever, et de laisser Chenko mettre un terme à tout cela. Après tout, qui tenait à lui ? Personne. Il était seul. Il n'y aurait personne pour le regretter.

    La mâchoire tremblante, les yeux rivés au sol, le jeune mâle ne se releva pas tout de suite. A cet instant, tout son monde était vacillant. Toute sa vie, ce qu'il s'était efforcé de construire, en croyant avoir un tant soi peu réussit, vacillait au dessus d'un gouffre. Des larmes amères montèrent du fin fond de son corps fatigué et meurtri. Des larmes qui voulaient tout dire. Qui prouveraient au Général qu'il avait raison. Qu'il n'était qu'un Bâtard. Alors, luttant contre ses muscles qui refusaient de lui obéir, contre le chagrin qui lui submergeait le cœur, le jeune mâle se redressa lentement. Chaque geste était douloureux. Sa joue le brûlait. Mais il ne laisserait pas à Chenko le plaisir de voir à quel point ses paroles l'avaient marquées. Bâtard, peut-être, mais pas lâche. A lui d'affronter son passé.

    Quand il parvînt enfin à se remettre debout, la crinière emmêlée et pleine de poussière, tâchée de sang, les pattes tremblantes et la respiration haletante, il posa son regard brun sur le puissant mâle qui lui faisait face. Dans les yeux du jeune mâle brillait une lueur farouche. Déterminée. Non, il n'abandonnerait pas. Il ne ramperait pas à quatre pattes pour implorer le pardon d'Akili. Et même s'il commençait à être encerclé, il ne lâcherait pas prise. C'était sa fierté qui était en jeu. Son honneur. Alors, la tête haute, il parla d'une voix lente mais puissante.

    ─ Le Clan était en danger, mais tu n'as pas fait mieux que Moi. Au lieu de tenter de résoudre tout cela en épargnant tes semblables, tu as préféré te taire pour voir émaner cette guerre que tu attendais tant, pour ton simple plaisir. Et aujourd'hui, alors que tu aurai pu épargner la mort à bien des lions en les aidant, tu as préféré lécher les pattes d'Akili en te retournant contre une Jangowa bien plus honorable que Toi.

    S'il avait encore tant à dire, Hatari fut obligé de faire une pause et de reprendre sa respiration. Durant sa chute, il s'était probablement blessé, car son poitrail le faisait souffrir à chaque fois que ses poumons s'emplissaient d'air. Mais il ne perdit pas pour autant sa rancœur contre Chenko. Alors, la voix plus froide que quelques instants plus tôt, il planta son regard perçant dans celui de son général, et cracha :

    ─ Et je préfère être un Bâtard libre de ses choix plutôt que l'Esclave d'un Roi qui ne me vois même pas. Tu n'es rien aux Yeux d'Akili, Chenko. Rien. Mais tu n'oses pas le reconnaître. Entre sa place d'Empereur et Toi, Akili n'hésitera pas. Mais tu as tellement peur de voir la vérité en face que tu te caches. Tu n'es qu'un trouillard.

    D'un air de défi, Hatari balaya chaque Jangowa qui se trouvait là. Qui ici, aurait le cran de tenir tête à Chenko comme il le faisait ? Lequel d'entre eux oserait, un jour, choisir ses valeurs et braver l'autorité de l'Empereur ? Aucun. Ils étaient tous terrifiés. Incapable de prendre leur destin en main. Ils n'avaient rien compris à la Vie. A ce moment là, la seule pensée d'Hatari fut pour Niwata. Il lui avait promis d'être là pour la guider. Mais désormais, elle devrait se débrouiller sans lui. Et son seul regret était de n'avoir pu lui montrer que c'était elle le véritable Maître de son Destin. Car désormais, ni lui ni Valaka ne pourrait revenir. Ils devraient tous deux se battre pour sauver leur peau. Mais ils étaient deux, et se battaient pour une cause chère à leurs yeux. Défendre leurs valeurs. Alors, Hatari pris une grande inspiration, et posa son regard dans celui de Valaka. Il ne la connaissait que peu. Il n'y avait rien entre eux. Mais désormais, ils étaient seuls contre tous. Et ils le seraient toujours.

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    ─ Je refuse d'obéir plus longtemps à des ordres qui me paraissent démesurés. A partir d'aujourd'hui, Akili n'a plus ma loyauté. Cette guerre bafoue mon honneur, et en tant que Jangowa, on m'a apprit que l'honneur était quelque chose de très important. Est-ce honorable de s'en prendre à des pacifistes ? Non ! C'est un acte de lâche !

    Chaque mots de Valaka résonnait dans les oreilles d'Hatari. Chacun d'entre eux. Mais aucun ne faisait fausse note. Il était d'accord avec elle. A quoi bon se battre sans raison ? Oui, les Mositus avaient sans doute empoisonnés l'eau des Jangowas. Oui, les querelles étaient anciennes entre les deux Clan. Mais Hatari n'avait jamais souffert d'un Mositu. Jamais. Et il n'avait aucune raison de les tuer, si ce n'est par loyauté pour Akili. Akili qui n'avait jamais daigné s’intéresser à lui. Empereur trop fière et trop assoiffé de pouvoir pour lui reconnaître sa place auprès des Jangowas, ou au contraire, le laisser repartir. Régent bien trop indifférent à son Clan.

    Les yeux de Chenko brillèrent de fureur. Comme ils jouaient gros, tous les deux ! Mais à quoi bon vivre dans le mensonge ? Et au fond, le jeune mâle n'avait pas peur. Qu'aurait-il pu craindre ? Chenko ne l'effrayait pas, pas plus qu'Akili, ou qu'aucun autre lion. L'exil ne changerait rien à sa situation. Parce qu'il n'avait rien à perdre. Il n'était retenu par aucun lien. Ni famille. Ni passé. Rien. Chenko et Akili ne pourrait rien détruire de plus, si ce n'était le dernier souffle qui l'animait. Dernier souffle qui n'était pas si cher au coeur d'Hatari.

    — Que sais-tu de la peur, Hatari ? Ne parle pas de choses que tu ne connais pas ! Et toi, Vakala, qui de nous est un lâche ? Ce n'est pas moi qui refuse de me battre ... vos paroles n'ensorcèlent personne d'autre que vous. Vous vous donnez bonne conscience en trouvant des raisons à votre trahison, mais ce ne sont que des illusions. Oui, je me délecte du sang de mes semblables, et plus particulièrement de ceux qui s'en prennent à ma famille, à mon sang, à mon clan. Oui, j'ai préféré la Guerre à la Paix, car en de telles circonstances c'est ce qu'un Jangowas fait. Mais, tout ça n'a plus d'important maintenant.

    L'étau du Clan se resserrait peu à peu autour d'eux, et la tension était palpable. Si Hatari avait songé durant un moment que d'autres se révolteraient, ou refuseraient de lui faire du mal à lui, jeune mâle serviable et dévoué au clan, ses dernières illusions s'étaient envolées face aux expressions de haine et d'agressivité qu'il pouvait lire sur les lèvres de ses anciens alliés. A moins qu'ils ne l'aient jamais été. Le regard animé d'une farouche lueur et la tête haute, Hatari ne baissa pas les yeux. Il affronta le regard du Général sans broncher. Sa crinière emmêlée, ses multiples blessures et sa respiration haletante n'enlevaient rien au sentiment sauvage qui émanait de lui à cet instant.

    — Tuez-les.

    L'ordre de Chenko résonna dans le silence pesant de l'oasis. Les combats avaient cessés, par manque de combattants ou par quelconque autre phénomènes. Étaient-ils tous morts ? Le matin même, Hatari avait juré n'avoir aucune pitié pour les Mositus, et tuer quiconque se mettrait sur son chemin. Mais les choses avaient pris une tournure bien différente, et désormais, il devait se battre non pas pour préserver une parcelle de territoire, mais bien pour sauver sa vie. Ce fut à cet instant précis que le cercle si immobile se brisa, faisant disparaître le reste aux yeux d'Hatari. Seul comptait désormais son but. Sauver sa vie, et celle de Valaka.

    Tandis que la masse de lion fondait sur eux, il se colla à la lionne beige, en tout aussi mauvaise position que lui. Il ne faisait surement pas le poids. Ils devaient fuir, et vite. Mais pour cela, il devait ouvrir une brèche. Une lionne bondit soudain sur son dos, plantant ses griffes dans la chair tendre. Dans grognement, Hatari se démena pour la faire tomber. Aussitôt, un autre suivit, et de nouvelles griffures laissèrent des traces sur le corps longiligne du jeune mâle.

    Son corps déjà épuisé mettait de plus en plus de temps à lui répondre. Chaque geste était douloureux, et tout ses muscles le brûlait. Tout abandonner aurait été tellement tentant. Se laisser partir, sans plus rien penser. Mais il ne pouvait pas. Parce qu'au fond de lui, une flamme ravageuse s'était allumée. Celle de la vengeance. Sa famille descendait en partie des Jangowas. Son Père avait du Sang Jangowa. Son Oncle avait du Sang Jangowa. Et tout ce qu'ils avaient fait, c'était détruire sa vie. Morceau par morceau. Jamais Kifua ne l'avait laissé vivre sa vie. Il l'avait rabaissé, encore et encore. Et les Jangowas n'avaient rien fait.

    Et alors, ce fut comme si tout recommençait. Comme si les blessures d'Hatari n'avaient jamais disparut. La colère et le chagrin furent tels qu'il en trembla de tout son corps. Le passé qu'il avait si longtemps cherché à cacher venait de refaire surface, brisant toutes les barrières qu'il s'était efforcé de construire. Tant d'année de travail détruit. Mais à ce moment là, rien n'importait. Rien d'autre que la vengeance qui animait désormais Hatari. Comme un poison venimeux qui s'infiltrait dans chaque parcelle de son corps.

    Dans un rugissement puissant, le jeune mâle envoya valser l'adolescent qui venait de lui mordre le flanc, et observa la situation. Devant lui, la masse de lion s'était éclaircit, la plupart ayant préféré le prendre par surprise en l'attaquant sur les côtés ou dans le dos. Il y avait une infime chance de pouvoir s'en aller. Si infime qu'Hatari comprit que c'était la seule qu'il aurait. Il en oublia un instant la haine des autres Jangowas, et lorsqu'une fulgurante douleur lui vrilla la face, il ne put s'empêcher de rentrer sa tête entre ses pattes en poussant un gémissement. Son oeil était affreusement douloureux, et lorsqu'il le rouvrit, il ne vit rien. Une terrible angoisse s'empara de lui à l'idée qu'il ait pu perdre un oeil, mais elle fut bien vite chassé par l'animosité qui bouillonnait dans ses veines.

    Avec une rapidité inouïe, il se redressa brusquement, et asséna un violent coup de patte au mâle qui se pavanait devant lui, fier à l'idée de l'avoir amoché. Une terrible balafre marqua la face du grand lion qui grogna à son tour en reculant. La brèche était désormais là. Un instant, les jangowas hésitèrent devant la colère et la haine d'Hatari envers ceux qu'il avait servit depuis sa naissance. Campé sur ses quatre pattes, pantelant et en sueur, le sang dégoulinant sur sa joue, il cracha d'une voix rageuse :

    ─ Tant d'années à vous côtoyer pour en arriver là. Je n'oublierai pas. J'espère que lécher les pattes de Chenko vous plaira.

    Et, profitant de la stupeur de ses anciens compagnons de vie, Hatari s'élança, bousculant ceux qui le gênaient d'un coup d'épaule. Une nouvelle fois, il laissait là la plus grande partie de son passé. Une nouvelle fois, il abandonnait tout derrière lui. Mais cette fois-ci, il en avait fait le choix. Il l'avait choisit.

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    Poussant sur ses puissantes pattes, Hatari sollicitait le moindre de ses muscles à chaque instant. Il le savait, sa vie dépendait de sa capacité à fuir aussi vite que possible. Fuir. Dans son esprit, ce verbe avait toujours eu une connotation négative. C'était comme abandonner, laisser tomber. Pour lui, ça avait toujours été une preuve de faiblesse ou de lâcheté. Or, aujourd'hui, alors qu'il filait à travers le désert, ce terme prenait un tout autre sens.

    Fuir, c'était aussi respecter ses valeurs. Avoir des idéaux propres, et avoir le courage de les suivre. Si le jeune mâle avait obéit purement et simplement à Akili, et tuer des Mositus sans aucune raison valable, sans qu'il lui ait rien fait, alors il se serait considéré comme un faible et un lâche. Parce qu'il n'aurait pas su suivre ses idéaux. Pourtant, être fidèle à soi-même pouvait coûter cher. Il en était la preuve incarnée. Il fuyait aujourd'hui pour sauver sa peau, et celle de Valaka.

    Valaka. Pendant un instant, il l'en aurait presque oublié. Espérant qu'il ne faisait pas une erreur capitale, il se ralentit sa course et se retourna. Et alors, il eut un soupir de soulagement , qui fut de courte durée cependant. Au loin, les Jangowas avaient cessés leur course, et ne les poursuivaient plus. De plus, la lionne au pelage claire le suivait de près. Estimant qu'ils pouvaient s'accorder une légère pause, il posa son regard au loin, reprenant son souffle. S'il avait pu, alors il se serait laissé tomber au sol pour se reposer. Mais Hatari savait que, s'il le faisait, il serait incapable de se relever. Chaque parcelle de son corps le brûlait, et son oeil était comme chauffé au fer blanc. Il ne voyait toujours pas. Mais c'était sans doute le cadet de ses soucis à l'heure actuelle.

    Ses yeux chocolats croisèrent alors le regard brûlant de haine d'Akili. Durant quelques instants, les deux lions se fixèrent. Si le jeune mâle ne pouvait entendre les paroles de son ancien Empereur, le regard qu'il posait sur eux ne laissait aucun doute à ce qui les attendait. L'exil, sans aucun doute. Et chaque jour deviendrait désormais un combat à part entière. Car Akili n'était pas de ceux qui pardonnaient. Et les Jangowas traqueraient leurs anciens compagnons comme s'il n'avaient jamais chassé ensemble.

    ─ Allons nous-en. Il n'y a plus rien à tirer de tout ça.

    S'il Hatari avait tenté de garder une voix forte, ce n'était qu'une facette. Il était épuisé, au bord de l'évanouissement, et tout son monde s'écroulait de nouveau. Encore une fois, il perdait tout ce qu'il avait toujours connu. Mais cette fois-ci, il en était seul responsable. Ce n'en était pas moins difficile. Une seule pensée occupait désormais son esprit : il allait avoir le loisir de tracer son avenir. Et il se vengerait. D'Akili. De Kifua. D'Usiku.


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